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Le guide pour s’installer et vivre en Norvège

Portrait de Jean-François, en Norvège après avoir vécu dans 10 autres pays

Par Thomas Bassetto
Publié le 28 avril 2025
Portrait de Jean-François
Portrait de Jean-François

Jean-François, la cinquantaine, un parcours de détaché [NDLR : on s’interdit l'utilisation du mot « expatrié » sur ce site web] long comme le bras, finit actuellement sa mission de 5 ans en Norvège. J’ai voulu en savoir plus sur cette expérience hors sentiers battus et sur son adaptation locale.

Quand es-tu arrivé en Norvège et pourquoi ?

Je suis arrivé en Norvège avec ma famille en août 2020, en plein milieu de la crise du Covid. Pourquoi ? Il y a plein de raisons mais cela faisait surtout suite à un retour un peu difficile en France après pas mal d'années passées à l'étranger.

« Retour difficile », dis-tu. Qu'est-ce qui a coincé ?

La première fois que nous sommes partis vivre à l’étranger en famille avec les enfants, c'était en 2010. Ma fille avait quatre ans et demi, mon fils trois ans et demi. C'est à ce moment-là qu'ils ont quitté la France. Et le retour a eu lieu mi-2019, en pleine période des gilets jaunes, avec six semaines de grève des transports à Paris, etc.

Mes enfants n'avaient connu qu'une scolarisation en anglais. C'était un choix de notre part : pas de système français à l'étranger, mais le système local. Cependant nous avons voulu qu'ils intègrent le système français pour les dernières années qui leur restaient avant le bac. Et là, nous nous sommes heurtés à une réalité : un Français qui n'a jamais mis les pieds dans le système scolaire français, eh bien, il est un peu comme un étranger qui débarque en France : il doit passer des tests, n'appartient à aucune académie, etc.. Mes enfants peinaient à comprendre certaines références, l'humour… Ce qu'on oublie souvent, c'est qu'à l'école, il y a le programme scolaire, mais il y a aussi toute une couche culturelle invisible qui s'acquiert en vivant dans le pays. Et cette couche, ils ne l'avaient pas. Pour eux, la Seconde Guerre mondiale, c'était avant tout Gallipoli – une référence marquante en Australie et Nouvelle-Zélande, où des milliers de soldats ont été décimés.

C'est dans ce contexte que la Norvège est apparue. Une opportunité professionnelle, une quête de sens aussi, la proximité avec la France pour garder le lien familial retrouvé, un pays magnifique, une nouvelle culture à découvrir…

Avant ça, tu as pas mal roulé ta bosse, non ?

En effet, sur 26 ans de vie professionnelle depuis ma sortie d'école d'ingénieur, j'ai passé 22 ans à l'étranger. J'ai vu pas mal de pays : beaucoup de Moyen-Orient (Émirats, Qatar, Yémen, Iran), un peu d'Afrique (Angola), deux ans en Écosse, un peu d'Asie (deux ans au Japon, un an en Corée du Sud),et enfin cinq ans en Australie à deux endroits différents.

Sur quoi travailles-tu actuellement en Norvège ?

Je suis « prêté » à Equinor par Total Energies pour travailler sur un projet de transition énergétique appelé Northern Lights. Ils avaient besoin de renforts dans les équipes pour manager ce projet.

Dans le grand défi de la transition énergétique, il y a beaucoup de solutions sur la table aujourd'hui. Presque toutes ont leurs détracteurs et leurs supporters – celle-ci y compris. Mais s'il y a une conclusion sur laquelle peu de gens peuvent débattre, c'est qu'il faut agir maintenant. Tout ce qu'on peut faire aujourd'hui est bienvenu : il faut faire le maximum de solaire, d'éolien, peut-être relancer la recherche nucléaire, réduire notre consommation... Mais il reste encore des émissions industrielles incompressibles.

Une des solutions, coûteuse, mais techniquement « mure », est la capture et la séquestration du CO2, reconnu comme un des principaux gaz à effet de serre. Dans notre projet, nous développons les infrastructures nécessaires au transport et à la séquestration du CO2 depuis des sites industriels qui s’équipent en capture de CO2.

Un de ces premiers sites industriels est une cimenterie située a Breivik au sud d’Oslo. Le ciment représente environ 8% des émissions mondiales de CO2 ! Sans ciment aujourd'hui, on construit en carton… Et pour les industries difficiles à décarboner, il n'y a pas beaucoup de solutions techniques disponibles immédiatement, soit on continue à émettre massivement en attendant une solution miracle, soit on applique cette technologie de capture.

Sur Northern Lights, nous viendrons chercher le CO2 capturé, le transporterons sous forme liquide jusqu'à un terminal sur la côte ouest de la Norvège, le pousserons via un pipeline sur une centaine de kilomètres en mer, et enfin l'injecterons dans une formation géologique sous-marine.

Photo de drone du terminal de réception CO₂
Le terminal de réception de CO₂ qui se trouve dans la municipalité d'Øygarden © Equinor

Cinq ans en Norvège est donc ta plus longue mission à un seul endroit ? Comment t’es-tu adapté ?

Oui, c'est ça, le précédent record était trois ans au Qatar, de 2002 à 2005. Depuis, j'ai déménagé tous les deux ans, deux ans et demi.

Quand on arrivé dans un nouveau pays, on débarque avec notre propre grille de lecture, nos repères, nos habitudes, nos loisirs. Assez vite, j'ai pris l'habitude d'essayer de comprendre et d'adopter une activité typique ou adaptée à l'environnement local. Par exemple, en arrivant au Moyen-Orient, je me suis mis au camping dans le désert. Un autre exemple, peut-être plus parlant : en Écosse, je me suis mis à la pêche à la mouche ! C'était un moyen de me connecter à l'environnement, d’essayer d’appréhender ce qui stimule les gens du coin.

Tente dans le désert
La magie du desert… © Jean-François

Donc, logiquement, ici en Norvège, je me suis mis au ski de fond – même si je n'en fais pas des tonnes, j'en profite. Je fais aussi du patin à glace l'hiver. J'essaie de trouver des activités qui collent à l'endroit où je vis, mais ça ne m'empêche pas de faire plein d'autres choses à côté, bien sûr. Je m'adapte.

Jean-François au ski de fond
Séance de ski de fond © Jean-François

Qu'est-ce qui t'a le plus surpris en arrivant en Norvège ?

Ce qui m'a vraiment frappé, c'est l'identité norvégienne extrêmement forte. Plus forte qu’ailleurs en Scandinavie même, car en me promenant dans les pays voisins, je vois des nuances. Cette spécificité culturelle, l'identité du peuple, elle est puissante, liée à un attachement profond à leur terre, à leur histoire, à plein de choses. Ça m'a surpris.

Je m'imaginais un peu les Norvégiens comme des « Grands Bretons barbus avec des gros bras », un peu rustiques mais fondamentalement similaires. J'avais des préjugés, alors même que mes expériences m'ont appris à m'en méfier.

Quand je suis allé au Japon, je n'ai pas été surpris par la différence de culture, je m’y attendais. Ici, la ressemblance de surface (racines chrétiennes, histoire liées) rend peut-être la différence de fond plus saillante.

Tu parles du Japon. Quels seraient, pour toi, les codes norvégiens qui t'ont marqué, peut-être en comparaison ?

Alors justement, c'est amusant de faire ce parallèle car j'y pense souvent. Ce qui est intéressant, c'est qu'on trouve toujours des points communs entre les cultures, même les plus éloignées. Et certains traits qu'on pourrait qualifier de « typiquement norvégiens » sont en fait très similaires à ce que j'ai observé au Japon.

  1. Petites familles : En général, les familles ne sont pas très nombreuses dans les deux pays.
  2. Fascination pour la nature : Un amour et un respect profonds pour la nature.
  3. Peu bavards : Ils ne parlent pas beaucoup. La communication est moins verbale, plus implicite.
  4. Décision par consensus : Il faut convaincre tout le monde, prendre le temps d’obtenir l'adhésion. Ce n'est pas une question de hiérarchie écrasante, mais de processus collectif.
  5. Esprit « socialiste » au sens premier : L'individu n'est pas plus important que le groupe. Ça, c'est très fort au Japon, qu'on n'imagine pas forcément comme ça, mais c'est pour moi le pays le plus « communiste » au sens marxiste originel : on ne met pas en avant les différences, l'individu s'efface pour le collectif.
  6. Pas d'étalage de pouvoir ou de richesse : On ne projette pas son statut, on n'essaie pas d'imposer sa supériorité. Le "moi je" est discret. Au Japon, c'est pareil.
  7. Peur de gêner : C'est fondamental et il faut le comprendre. On peut interpréter ça comme de la timidité ou un manque de confiance, mais au fond, c'est une crainte viscérale de déranger l'autre. C'est la psychose du Japonais comme du Norvégien !
  8. Passions vécues à fond : Ils ont des passions (la nature, le ski ici ; l'arrangement floral, le kendo, le tir à l'arc au Japon) et ils s'y adonnent avec une intensité et une profondeur remarquables.
  9. Cercles d'amis distincts : Ils ont des cercles d'amis (lycée, université, vacances, hobby A, hobby B) qu'ils ne mélangent pas forcément. Ces cercles ne sont pas immenses et restent souvent liés à un contexte précis.
  10. Sérieux... sauf après un verre : Ils ne rigolent pas beaucoup de premier abord. Mais dès qu'ils boivent une bière, dès qu'ils sortent du cadre formel, ça se détend. Au Japon, c'est encore plus marqué : le simple fait d'être dans un environnement où l'alcool est présent (un dîner après le travail, par exemple) suffit à faire tomber les masques.

Je trouve que ça fait beaucoup de points communs. Après, en tant qu'Européen, je vois aussi des liens et des intérêts communs sur les sujets européens, bien sûr. Mais fondamentalement, la Norvège reste un pays très tourné sur lui-même. C'est presque une île en fait. Il y a ce côté insulaire, que je ressens moins au Danemark ou même en Suède.

Quels sont tes futurs plans ?

Je ne sais pas encore précisément. Dans un premier temps, je vais rentrer en France et je suis assez content de m'y poser un peu. J'ai mes parents qui vieillissent aussi.

Pour finir, quel est ton endroit préféré en Norvège ?

J'aime beaucoup Oslo, en fait. Je trouve cette ville fascinante. Il y a une douceur de vivre ici qui est remarquable. Et puis, pour le marin que je suis, né en Bretagne, avoir la mer si accessible, même si c'est une mer intérieure, un fjord protégé, c'est un vrai plus. On a la mer et la montagne à portée de main. C'est une combinaison assez unique et très agréable au quotidien.

Selfie en famille avec le fjord d'Oslo en arrière-plan
Le fjord d'Oslo en famille © Jean-François

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