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Le guide pour s’installer et vivre en Norvège

Portrait de Chloé, prof de norvégien à Bø i Vesterålen

Par Thomas Bassetto
Publié le 12 avril 2025
Chloé
Chloé

Chloé, la trentaine, a débarqué en Norvège un peu par hasard, portée par les flots et les aléas de la vie. Elle a trouvé sa place dans un petit village du nord, Bø i Vesterålen, après un itinéraire semé de bénévolats, de petits boulots et d'une adaptation singulière. Aujourd'hui professeure de norvégien pour réfugiés, elle nous partage son histoire insolite.

Quand et pourquoi es-tu arrivée en Norvège ?

Je suis arrivée en octobre 2020. J'habitais en Écosse, sur une toute petite île – vraiment minuscule – mais je venais de perdre mon boulot à cause du Covid. Honnêtement, c'était un peu une période de merde... J'étais principalement pompier volontaire mais je faisais aussi du tricot. J'habitais seule, ma grand-mère venait de décéder en France sans que je puisse lui rendre visite une dernière fois… À 25 ans, je me suis retrouvée un peu paumée, sans savoir quoi faire.

Des amis, un couple de retraités, qui vivaient sur un voilier non loin de mon île avaient le projet de partir en Norvège depuis l'Écosse. N'ayant rien d'autre à faire, je leur ai demandé si je pouvais venir avec eux ! Ils ont dit oui, j'ai donc embarqué et passé quatre mois avec eux. On est arrivé à Ålesund. Honnêtement, je suis arrivée ici par dépit. Si mes amis étaient partis au Sénégal, j'habiterais au Sénégal aujourd'hui !

Qu’as-tu fais à Ålesund ?

J’ai essayé de trouver des petits boulots, je me suis acheté une machine à tricoter pour faire quelques bonnets, mais ça ne marchait pas vraiment. Il fallait que je trouve autre chose car rester plus longtemps avec un couple marié dans une coquille de noix... c'était particulier ! Du coup, j'ai trouvé un premier bénévolat via WWOOFing, du côté de Tromsø, dans un endroit appelé Balsfjord – que je recommande absolument. C'était une petite ferme équestre avec des chevaux islandais ! J'y ai passé cinq semaines. Mon « boulot » était de monter à cheval sous les aurores boréales... C'était un rêve éveillé, absolument génial. Après ça, j'ai trouvé un autre bénévolat, cette fois via Workaway, à Vesterålen.

Quel type de bénévolat ?

J'étais de nouveau sur une île minuscule, avec un phare qui faisait maison d'hôtes. J'y suis restée huit mois. Au début ça allait, mais les conditions de travail se sont dégradées de plus en plus, jusqu'à devenir insupportables. Il fallait vraiment que je parte de l'île, donc je suis allée au village le plus proche : Bø i Vesterålen. Fait amusant, ce village est connu sous le nom de « Monaco de Norvège » à cause de l'impôt sur la fortune très bas. C'est toute une saga, cet endroit, un petit paradis fiscal local ! On a eu des célébrités comme Bjørn Dæhlie qui sont venues s'y installer pour ça.

Bø vue d'une colline
Bø vue d'une colline © Chloé

Tu n'as pas eu envie de partir plus loin voir de quitter la Norvège après cette mauvaise expérience ?

J'étais un peu dépitée à ce moment-là. Ça faisait tout juste un an que j'avais quitté l'Écosse, donc je n'avais pas trop la foi ni l'envie de tout recommencer ailleurs. Et puis, malgré tout, j'aimais bien l'endroit. Vesterålen, c'est magnifique ! Du coup, j'ai trouvé un autre bénévolat un peu informel chez quelqu'un que j'avais rencontré pendant mes huit mois au phare. Je savais qu'elle avait besoin d'aide pour la saison d'hiver dans sa maison d’hôte. J'ai donc passé deux ou trois mois chez cette dame.

Est-ce que c’est à ce moment que tu as appris le norvégien ?

Non, honnêtement elle n'a eu que deux clients pendant mon séjour ! J'ai surtout peint un mur. Je ne sais pas trop pourquoi elle voulait quelqu'un. Par contre, elle voulait absolument me faire parler norvégien, alors que moi, je n'avais aucune envie à ce moment-là. On s'est pas mal battues avec ça, mais ça n'a pas fonctionné. Quand je suis partie de chez elle, je ne parlais toujours pas un mot de norvégien. Comme j'aimais vraiment l'endroit, j'ai pris un appartement et j'ai trouvé un vrai travail.

Quel travail, et comment tu l'as trouvé ?

Par bouche-à-oreille, j'ai trouvé un job dans un hôtel, un truc un peu nul, pour être honnête.

Mais c’est grâce à ce job à l'hôtel que je me suis mise au norvégien. Ça a été assez rapide, finalement. Sans prendre aucun cours formel, juste en immersion. Je dirais qu'en trois mois, je comprenais à peu près tout. En six mois, je parlais correctement. Et en un an, je le parlais couramment. Dès que j'ai eu mon appartement et ce premier vrai boulot à l'hôtel, j'ai adopté un chat via « Dyrbeskyttelsen », l'équivalent de la SPA. Elle est trop mignonne.

Line le chat de Chloé
Line le chat de Chloé © Chloé

J’imagine que tu as appris le norvégien avec le dialecte du coin ?

Oui, et ça, ça a été un vrai problème après ! J'ai appris uniquement à l'oral, je lis peu en norvégien, plutôt en anglais, et je ne suis pas du tout l'actualité. Quand il a fallu que je me mette au « Bokmål », le norvégien écrit standard, ça a été un peu dur. Au début, même mes textos étaient en dialecte.

Après l'hôtel, j'ai travaillé presque un an dans un Spar, le supermarché local. Encore un boulot très nul en soi : la caisse, la mise en rayon... Vraiment répétitif. Mais pour apprendre le norvégien, ça a été phénoménal ! Je parlais déjà bien, mais ces quelques mois au Spar ont été incroyables pour la langue. Il n'y a rien de tel, honnêtement. Tu as tous les petits vieux qui viennent à la caisse et qui veulent absolument discuter. C'était génial pour ça.

Après un an de Spar, même si c'était super pour la langue, le boulot était tellement nul et répétitif que j'ai fini par péter un plomb. Ça s'est terminé en « sykemelding » (arrêt maladie). Je n'ai rien contre les gens qui travaillaient là, l'équipe était super, mais je n'en pouvais plus.

Comment es-tu devenue prof de norvégien ?

J'habite dans un quartier résidentiel, sur une sorte de péninsule où il n'y a quasiment rien sauf le « Voksenopplæringssenter », le centre de formation pour adultes, au bout. Bref, pendant mon arrêt maladie, je me suis souvenue que j'avais un diplôme en formation d'adultes en France. Je me suis dit : « Maintenant, je parle assez bien norvégien, je devrais peut-être aller proposer mes services comme remplaçante là-bas. ». J'y suis allée un jour avec mon CV, en disant que j'étais disponible s'ils avaient besoin. Ils m'ont répondu : « Super ! Es-tu disponible aujourd'hui à 13 heures ? ». J'ai donné ma première heure de cours le jour même !

Au début, j'étais « tilkallingsvikar », ils m'appelaient au besoin quand quelqu'un était malade. Ça a duré un mois ou deux, mais ils m'appelaient tout le temps, je faisais quasiment du 100%. Du coup, ils m'ont proposé un contrat fixe, et ça fait maintenant un an que j'y suis. J’enseigne principalement à des réfugiés, venant d’Ukrainiens ou d'Afrique centrale.

Photo de l'école
Photo de l'école © Chloé

As-tu eu l'occasion de voyager un peu en Norvège ?

Pas beaucoup, non. J'ai vu Ålesund au début, j'ai passé cinq semaines près de Tromsø, et depuis, je suis à Bø. J'ai été aux Lofoten trois fois : une fois pour les papiers à la police, une fois avec un ami, et une fois quand mes parents sont venus me voir. Par contre, j'ai bien exploré Vesterålen. Il faut dire que je n'ai pas le permis – je ne l'ai jamais passé, et le faire adulte, surtout en Norvège, c'est cher et compliqué. Pour passer le permis, l'auto-école la plus proche est à une heure et demie de bus, et il n'y a qu'un bus par jour... Il faudrait prendre des jours de congé !

Donc je vis très bien sans. Ma propriétaire, qui habite l’étage au-dessus, me propose toujours de m'emmener quand elle va faire les courses ou à la déchetterie. Je crois que c'est la personne qui m'a le plus donné envie de rester ici. Elle est géniale. Quand je suis arrivée, je ne parlais pas encore très bien norvégien, et elle, elle ne parle pas un mot d'anglais. Mais elle a été incroyable avec moi. Il faut savoir qu'ici, beaucoup de personnes âgées ne parlent pas anglais.

Tu ne t’ennuies pas ? Ça ne te manque pas le cinéma par exemple ?

Il y en a un ! Bø est tout petit mais il y a une très forte culture du « dugnad ». C'est le bénévolat collectif, l'entraide communautaire. Pour un si petit village, on a une piscine et un cinéma ! Tout ça fonctionne entièrement grâce au dugnad. La piscine a été construite par les habitants, et elle vient d'être rénovée de la même manière : plombiers, maçons, tout le monde a mis la main à la pâte, bénévolement. Le cinéma est géré pareil. J'en fais partie, je suis « kinovakt » (gardienne de cinéma bénévole) environ une fois par semaine : je vends les billets, je prépare le pop-corn. C'est trop bien !

Une autre chose qui m'a aidé à m'intégrer : je fais de la musique dans le « korps » local, l'équivalent de la fanfare municipale. Peu après m'être installée, je suis tombée sur le maire de Bø. Il me félicite pour mon installation, me demande si j'ai besoin de quelque chose. Je lui réponds : « Vous n'auriez pas un saxophone ? ». Il se trouve que c'était l'autre saxophoniste du groupe ! Il m'a dit : « Carrément ! On répète lundi soir ! » Il m'a trouvé un saxophone, et voilà ! Je participe à la parade du 17 mai, on organise des concerts... On est comme une petite famille. J'ai 30 ans, je suis la deuxième plus jeune, donc ils sont super contents d'avoir du sang neuf !

Mon conseil à tous ceux qui se demandent comment se faire des amis norvégiens, comment s'intégrer... faites du dugnad et efforcez vous de parler norvégien !

Pour finir, quel est ton endroit préféré en Norvège ?

Oh facile, c'est mon jardin !

Vue du jardin
Vue du jardin © Chloé



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