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Le guide pour s’installer et vivre en Norvège

Portrait de Sarah, paysanne en herbe à Molde

Par Thomas Bassetto
Dernière mise à jour le 10 septembre 2023
Portrait de Sarah avec un chou-fleur dans les mains
© Thomas Bassetto

Sarah s’est installée à Molde, sur la côte ouest de la Norvège, à 18 ans seulement. C'est là qu'elle a rencontré son grand amour. Après quelques années à Trondheim, elle s'est établie définitivement à Aukra, en périphérie de Molde, où elle exerce la profession d'institutrice. Le hasard de la vie a fait qu’ils ont hérité d’une ferme. Aujourd'hui, elle y consacre une part croissante de son temps, élevant divers animaux et cultivant un potager bio.

Quand et pourquoi es-tu arrivée en Norvège ?

Suite à l'obtention de mon baccalauréat en 2002, j’avais envie de voyager. J'ai alors approché AFS, une association dédiée à la promotion des échanges culturels et linguistiques. La Norvège m'a paru une option attrayante, d'autant plus que là-bas, les étudiants terminent le lycée un an après leurs homologues français. C'est ainsi que je me suis retrouvée à vivre une année supplémentaire de lycée à Molde, au sein d'une famille d'accueil.

Je me suis très bien entendu avec Torbjørn, le fils de cette famille, et j’ai décidé de rester en Norvège. Nous avons passé 8 ans à Trondheim pour poursuivre nos études avant de revenir nous installer à Aukra, en banlieue de Molde. Nous habitons maintenant une ferme avec nos trois enfants.

Est-ce que tu as fait des études d’agriculture ?

Pas du tout, j'avais initialement entrepris des études de langues avec l'ambition de devenir professeure de lycée. Cependant, cette voie ne me passionnait plus soudainement. J'ai alors effectué une réorientation, décrochant une licence en « barnehagelærerutdanning », ce qui m'a conduite au métier d'institutrice.

Depuis 4 ans, nous possédons une ferme qui accapare progressivement de plus en plus de mon temps. À l'heure actuelle, mon contrat au jardin d’enfant est à 60% et le reste du temps, y compris mes soirées et mes weekends sont passés à la ferme. Mon époux, ingénieur de profession, et mes enfants m'épaulent mais bien que cela demeure une entreprise familiale, c'est moi qui en assume la majeure partie ! Sans formation agricole formelle, j'apprends chaque jour sur le terrain.

S’installer en Norvège et avoir sa ferme est le rêve de nombreux Français qui me contactent, comment vous y êtes-vous pris et pourquoi ?

J’ai bien peur de ne pouvoir leur apporter de réponse satisfaisante. En Norvège, posséder une ferme est souvent une affaire de transmission familiale. Dans notre situation, c'était la cousine du père de mon époux qui possédait cette ferme. À son décès, n'ayant pas de descendance directe, c'est mon beau-père qui en a hérité. Étant donné son âge avancé et celui de son épouse, ils ont choisi de confier la ferme à Torbjørn. Nous avons par conséquent vendu notre domicile à Aukra, nous habitions déjà proche, pour nous établir dans cette ferme, cela fait maintenant quatre ans.

Il est essentiel de comprendre que de nombreux Norvégiens aspirent également à acquérir une ferme. Avec leur maîtrise parfaite de la langue, ils possèdent un avantage indéniable, ce qui les positionne naturellement en priorité.

Chient galopant vers l'objectif avec la maison jaune de Sarah an arrière-plan
Gros plan sur la bâtisse principale © Thomas Bassetto

À quoi ressemble votre ferme 4 ans après y avoir emménagé ?

Il faut savoir que les différentes bâtisses datent de 1750, nous sommes donc toujours en pleine rénovation. En plus de notre maison, nous avons aussi une maison annexe que nous louons.

Nous avons commencé par le potager. Les légumes qui ont du goût sont difficiles à trouver en Norvège, surtout loin d’une grande ville donc nous avons commencé par un potager bio. Je n’étais pas sûre que cela fonctionnerait, car les conditions météorologiques ne s’y prêtent pas toujours. L’année dernière il a plu pendant 10 semaines d'affilée dans le Møre og Romsdal (NDLR : la région où se trouve Molde). Aujourd'hui, nous cultivons une variété de légumes dans plusieurs parcelles et deux serres. Nous y faisons pousser divers choux, du rutabaga, des salades, des blettes, du brocoli, de la rhubarbe, des petits pois, des betteraves, des tomates, du céleri, des concombres, etc. Nous faisons aussi pousser des fleurs comestibles comme des capucines par exemple. Et bien sûr, Norvège oblige, nous avons deux champs de patates et de carottes.

Côté animaux, nous élevons cette année 2 cochons, environ 70 poules, des lapins, 2 poneys et 28 moutons. Les poneys aident à l'entretien des forêts, et leur crottin est utile comme engrais. Nos animaux sont principalement élevés pour leur viande. Nous avons aussi une chienne, qui garde à distance renards et buses. Ah, et nous avons aussi deux chats.

Nous avons récemment planté 200 pieds de framboises, s’ajoutant à nos nombreuses groseilles et myrtilles. Nous possédons également des pommiers et des pruniers, et les forêts avoisinantes sont riches en champignons. En 2022, nous avons cueilli 20 kg de chanterelles et 50 kg de bolets.

À l'avenir, j'espère avoir des abeilles pour produire du miel. Je rêve aussi de vaches, mais elles nécessitent un soin quotidien et, sans taureau, une insémination artificielle.

Sarah dans une de ses serres
Une des serres © Thomas Bassetto
Poules et poulailler
Quelques poules © Thomas Bassetto
Champ avec 2 tracteurs et vue sur le fjord de Molde
Un champ pour le foin © Thomas Bassetto
Un des potagers
Une partie du potager © Thomas Bassetto
Un chat orange sur une cloture
Un chat sur une cloture © Thomas Bassetto
Quelques moutons dans la forêt
Quelques moutons dans la forêt © Thomas Bassetto

C’est impressionnant ! Est-ce que tu peux vivre de la production de la ferme ?

Cette année, notre ferme nous approche de l'autosuffisance. Lors de la visite de mon frère la semaine dernière, tous nos repas provenaient de notre propre production. Nous n'achetons plus ni viande ni œufs. Mes enfants et mon mari pêchent, donc nous n'avons pas besoin d'acheter du poisson ou des fruits de mer. Pour nourrir nos animaux, nous produisons notre propre foin et récupérons les restes du supermarché voisin pour nos poules et cochons.

Cependant, comme je travaille seulement à 60% comme institutrice, c’est la location AirBnB qui compense financièrement le temps consacré à la ferme. Cette année, nous envisageons de vendre quelques moutons à l'abattoir. Il faut savoir qu’en Norvège, nous ne pouvons pas commercialiser la viande que l'on a soi-même abattue. Légalement nous ne pouvons même pas donner la viande ni en servir aux voisins si l’on a abattu l’animal en dehors d’un abattoir conventionné !
Je songe également à ouvrir notre potager au public via un « markedshage » ou « andelsbruk ». Les participants pourraient contribuer et récolter contre paiement. De plus, l'État et Innovation Norge soutiennent ces initiatives. En attendant, je fais connaître notre ferme ainsi que la vie d’une agricultrice bio en Norvège via le compte Instagram @livet_paa_setra. Ce travail de vulgarisation et de découverte est aussi transmis à mes enfants. Il est essentiel pour moi que mes enfants comprennent l'origine de leur nourriture. Notre plus jeune, âgée de 10 ans, sait plumer les poules et les vider. Je fais aussi venir les enfants du jardin d’enfant où je suis institutrice lors de l'abattage des agneaux.

Capture d'écran du compte Instagram de Sarah
Capture d'écran du compte Instagram de Sarah (qui est donc aussi douée en photographie)

Pour finir, quel est ton endroit préféré en Norvège ?

Chez moi, sans hésitation ! Ici, la mer rencontre la montagne, et nos champs bordent l'eau. Ceci dit, la gestion d'une ferme est prenante. Je ne suis pas rentré en France depuis 2018, mais ma famille vient souvent nous rendre visite et passer du bon temps. J’aime à penser que l’on s’est créé une vie où l’on a pas besoin de partir en vacances.

Fjord de Molde
Photo prise au bout de leur terrain, avec vue sur le fjord de Molde

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