La folle saison des « russ » : aperçu des fêtes de fin du lycée en Norvège
Ma première année en Norvège, je me souviens encore avoir été réveillé plusieurs fois par de la musique provenant d’un bus arrêté au feu rouge en bas de mon immeuble (j’habitais pourtant au 5e étage). Ce bus était recouvert de tags dont un symbolisant le pape en train de faire quelque chose … de pas très catholique. « Pope Fiction » était écrit en gros sur le côté de ce bus. Quand j’ai raconté ce que j'ai vu à mes collègues et demandé des explications, je me souviens encore de leur réponse : « ce sont les Russes ». Voyant ma tête interloquée, ils me montrent un article de presse norvégienne où il était écrit « russ », le nom donné aux élèves qui célèbrent leur dernière année de lycée (« russefeiring »). Cette tradition est unique en son genre et surprend toujours ceux qui viennent s’installer en Norvège !
La période de fête
C’est une tradition où les élèves en dernière année de lycée célèbrent leur diplôme à venir en faisant la fête pendant un mois, de mi-avril jusqu'au 17 mai, jour de la fête nationale norvégienne.
Vous avez bien lu, cette « célébration » a lieu avant les examens, et non après. Cela signifie que les adolescents passent des semaines à se saouler complètement – souvent en journée et pendant les cours – avant de passer les examens les plus importants de leur année de lycée.
Les habits
Il est très facile de reconnaître les « russ » car la plupart des étudiants portent salopette et bonnet traditionnels pendant toute la période de célébration. Leur couleur reflète le type d'études suivies :
- Rouge pour les études générales (« Allmennfag ») ;
- Bleu pour les études en économies et administration ;
- Noir pour l'enseignement professionnel, avec apprentissage dans le cursus ;
- Vert pour les études liées à l’agriculture ;
- Blanc pour les études liées à la santé ou au sport.
Les habits rouges sont, de loin, les plus fréquents, suivis des bleus.
Les gages et les nœuds
Des nœuds de « russ » (« russeknuter ») sont faits sur le cordon attaché au bonnet pour chaque gage accompli par étudiant (ou plus souvent un souvenir du gage est attaché au bonnet ou à la salopette). Ces gages sont parfois critiqués parce qu’ils peuvent impliquer des actes illégaux, tels que la nudité publique ou les rapports sexuels en public, voire des actes dangereux pour la santé tels que la consommation de grandes quantités d'alcool en peu de temps. Quelques exemples :
- Passer une nuit dans un arbre (on gagne un bâton de l'arbre) ;
- Boire une bouteille de vin en 20 minutes (gagne le bouchon) ;
- S'asseoir dans un rond-point avec un panneau « Vi drikker hvis dere tuter! » (« Nous boirons un coup si vous klaxonnez ! ») ;
- Tatouer « Russ » et l'année sur son corps (par exemple « Russ 23 » si c'est en 2023) ;
- Donner plus de 1 000 NOK à des œuvres caritatives ;
- Se teindre les cheveux de la même couleur que la salopette ;
- Etc.
Les cartes de visite
La plupart des « russ » ont des cartes de visite personnalisées comportant leur nom, leur photo, leur numéro de téléphone, leur adresse et un court slogan ou une blague. Ces cartes sont échangées avec d'autres « russ » et distribuées aux enfants et aux membres de la famille. Pour de nombreux jeunes enfants, la collecte de cartes de « russ » est une activité importante pendant toute la période de célébrations.
Les vans et bus
Des groupes d’étudiants se regroupent généralement pour acheter un van ou un bus, en particulier dans les grandes villes. Ces véhicules sont peints et décorés selon le thème choisi par le groupe, mais surtout, la tradition moderne exige un équipement audio puissant à l'intérieur du véhicule et éventuellement sur le toit (certains systèmes rivalisent avec ceux utilisés par les artistes célèbres lors de leurs tournées de concerts – ce qui explique pourquoi j’étais réveillé en habitant au 5e).
De nombreux bus disposent d'un intérieur à thème coûteux, parfois d'un bar et de nombreux écrans plats. Un système d'éclairage de fête est également courant dans les bus. De plus, ceux qui acquièrent un bus sont désormais tenus par la loi d'engager un chauffeur de bus professionnel pour la durée de la fête. Ces bus peuvent donc représenter une charge financière importante. On parle d’une moyenne entre 2 000 et 6 000 euros par membre du groupe, allant jusqu’à 30 000 pour les plus extravagants (et riches). Du coup, il n'est pas rare de commencer à planifier le bus plusieurs années avant la fête, et de prendre des petits boulots spécifiquement pour pouvoir le financer.
Les polémiques
Si la tradition du « russ » fait partie intégrante de la culture norvégienne, elle a également suscité la controverse ces dernières années. Les critiques affirment que les célébrations sont devenues trop extravagantes et matérialistes, les étudiants dépensant de grosses sommes d'argent pour les tenues, les bus et les fêtes. En outre, la consommation excessive d'alcool et les comportements déplacés qui accompagnent souvent les festivités ont suscité des inquiétudes.
Conclusion
La célébration du « russ » est un élément unique et inoubliable de la culture norvégienne, qui offre aux lycéens la possibilité de nouer des liens et de se défouler avant d'entrer dans l'âge adulte. Malgré les quelques controverses qui entourent l'événement, l'esprit de camaraderie et de fête reste un aspect essentiel de l'identité norvégienne.