Portrait de Cécile Moroni, de dirigeante d’entreprise à humoriste
Quand est-ce que tu es arrivée en Norvège et pour quelles raisons?
Je suis arrivée en Norvège en 2010 donc ça va bientôt faire 14 ans. J’avais rencontré mon copain norvégien en échange universitaire en Allemagne en 2007 à l'université de Mannheim et on a eu une relation à distance puis je suis venue en Norvège en 2010 vivre ici avec lui.
Est-ce que tu as trouvé un travail avant d'arriver ?
Je travaillais en conseil en stratégie à Paris et je passais mes soirées et mes week-ends à envoyer des candidatures en anglais pour des postes en Norvège, mais ça n'aboutissait pas. Quand j'ai commencé à postuler en norvégien, ça a fonctionné assez vite, et j'ai trouvé un boulot dans une entreprise qui s'appelle Ringnes qui fait partie du groupe Carlsberg. Donc j'ai démissionné et je suis venue vivre en Norvège.
Est-ce que en arrivant en Norvège tu t'es dit que ce serait permanent ou temporaire ?
Je voulais donner une chance à ce pays, et je m'étais dit je reste, et après je retourne vivre à Paris avec mon beau norvégien sous le bras Je suis là depuis 14 ans et je ne suis jamais repartie. Je continue de dire « dans 2 ans je pars » mais mes amis ne me croient plus. Maintenant j’ai même la nationalité norvégienne.
Jusqu’à récemment tu étais dirigeante d’entreprise avec le stand up comme hobby, mais quelque chose a changé dans ta carrière. Dis-nous en plus sur cette transition.
J'ai changé de métier l'année dernière. J’étais dirigeante d’entreprise dans le domaine de la beauté, et j'ai décidé de faire de mon hobby mon métier donc je suis devenue humoriste et conférencière à plein temps avec tout ce que ça a de fun. J'ai des semaines qui ne se ressemblent jamais, il y a de l’imprévisibilité par rapport à une vie de salarié dans un gros groupe, mais tellement de liberté et de créativité ! En ce moment, par exemple, je tourne avec un one-woman-show en norvégien qui s'appelle Allo Norge en référence à Allô Allô la série que les Norvégiens connaissent bien. J'ai une dizaine de dates entre février et avril, je vais sillonner un peu la Norvège et même probablement passer par Paris !
Tu avais déjà fait un spectacle en français sur la Norvège, auquel j’ai assisté qui était complet, à Uhørt à Oslo.
C’était une super expérience et un vrai succès puisqu’il n’y a pas eu une mais quatre représentations à guichet fermé à Oslo. Ce projet est parti d'une discussion avec des copains qui m'ont dit de faire un show en français et je me suis dit « pourquoi pas » mais j’avais peur qu’il n’y ait pas de marché. Et puis en fait ça fonctionné donc j'ai même fait une petite tournée en Norvège avec ce spectacle en français, pour des Français, des Belges, des Suisses, des Marocains, des Québécois et même des Norvégiens francophones. Avec cette tournée j'ai rencontré plein de francophones dont des gens qui ont vécu ici depuis 20 ou 30 ans, qui ont assisté au changement énorme que la Norvège a traversé. Cela fait réaliser que c’est sûrement plus facile d’arriver en Norvège aujourd’hui alors que pour eux, il n’y avait pas les groupes Facebook de francophones ni même de moutarde de Dijon dans les supermarchés.
Quelle était ton inspiration pour ce spectacle ?
C'est mon histoire. C'est un peu l'histoire assez banale de la Française qui arrive et qui fait son chemin dans la société norvégienne avec des anecdotes sur le choc culturel, depuis ma relation avec mon mari qui vient de Sandefjord, jusqu’au fonctionnement de la société, comme par exemple élever des enfants ici et dans une autre langue.
Justement tu élèves tes enfants entre deux cultures. Comment ça se passe ?
J’ai trois enfants de 6 ans, 4 ans et 2 ans qui sont trop mignons mais effectivement c'est du travail, c’est un peu une PME chez moi ! Il faut faire les achats, la logistique, les gardes de nuit. Quand tu as des enfants en Norvège les gens ont tendance à beaucoup se rapprocher de leur famille. Ils n’utilisent pas trop de babysitters alors que moi si, donc ce sont des modèles un peu différents. Souvent dans une famille norvégienne toute la vie quotidienne tourne autour de l’enfant. J’ai des amis norvégiens qui ont presque disparu de la vie sociale après avoir eu un enfant.
Tu as tes enfants autant à l’école française qu’au barnehage norvégien. Que conseilles-tu à nos lecteurs et lectrices ?
J’adore la pédagogie pour les tout petits à la norvégienne à la barnehage (note : la barnehage est une institution publique ou privée où les petits Norvégiens vont d’un an jusqu’à l’entrée au primaire à 6 ans. La maternelle en tant que telle n’existe pas dans le système norvégien). Dans la barnehage norvégienne, les enfants sont beaucoup dehors on ne leur met pas la pression pour passer des caps absolus comme être propre à 3 ans faire ceci à 4, etc. À l’école française d’Oslo, ma fille revient très épanouie, et apprend beaucoup, mais passe en effet un peu moins de temps dans les arbres qu’avant.
Le côté positif de l'école norvégienne c’est le côté ancrage dans la vie norvégienne avec un réseau d'amis dans le voisinage. Je vois les enfants du quartier qui jouent après l’école par exemple.. Mais c’est important pour nous que nos enfants apprennent à bien écrire et lire le français, donc on a voulu essayer l’école française pour notre aînée. On en est vraiment ravi.
Je pense qu'il n’y a pas de bonne ou de mauvaise solution. Les deux systèmes ont leurs avantages. Mon mari a même proposé qu’on mette chacun de nos enfants dans un système différent et qu’on voie qui gagne le plus à l’âge adulte, parce qu’il n’y a vraiment que ça qui compte finalement.
Est-ce que c’est facile de faire rire les Norvégiens sur la France ?
Les Norvégiens sont plutôt francophiles, en tout cas ils ont des associations assez positives sur la France donc je pars plutôt d’un bon pied. L’idée c’est de les faire sourire sur les choses qui moi m'ont fait réagir quand je suis arrivée en Norvège. Des choses qui m’ont charmée ou agacée. Ils ont une bonne capacité d’auto-dérision donc en général ça fonctionne bien.
En revanche ils sont assez patriotes, et on peut facilement les faire réagir. Par exemple, si tu leur dis que les Norvégiens sont nuls aux échecs, ils peuvent vite répondre : « Mais si ! On a Magnus Carlsen ! ».