Le guide pour s’installer et vivre en Norvège

Portrait de Georges, en Norvège depuis 1966

Par Thomas Bassetto
Dernière mise à jour le 12 janvier 2021
Portrait de Georges

Georges s’est installé en Norvège, il y a déjà 55 ans ! La Norvège de l’époque était bien différente de celle d’aujourd’hui, nous en parlons dans ce portrait.

Quand et pourquoi es-tu venu en Norvège ?

En première année d'université à Strasbourg il était possible d’avoir une heure de cours de langue scandinave par semaine. Les cours de danois et de suédois étant pleins, je me suis rabattu sur les cours de norvégien.

J’ai ensuite décidé de continuer mes études en Norvège. Je suis donc arrivé le 9 janvier 1966, avec le train de nuit de Copenhague. Il y avait 1,5 m de neige à Oslo : maintenant les hivers en Norvège c’est de la rigolade ! J’ai tout de suite été mis dans l’ambiance. L’hiver 1966 a été un des plus froids de la décennie. C’était aussi l’année du championnat du monde de ski nordique à Holmenkollen. Un Norvégien m’a expliqué que si je survivais à cet hiver-là, je serais apte à vivre dans ce pays.

Le matin de mon arrivée je suis allé directement m’inscrire à l’université, où il m’a été donné une chambre, et où j’ai étudié le norvégien pendant 1 an et demi. J’ai ensuite obtenu un bachelor d’histoire de l’art et un master de français. Après les études, j’ai donné quelques heures de cours par semaine à l’université d’Oslo. J’ai ensuite enseigné pendant 3 ans à l’université de Bergen, puis je suis revenu à Oslo enseigner le français à BI. Je suis retourné 3 ans à Bergen dans les années 90, avant de revenir de nouveau à BI où j’y ai enseigné le français, incluant non seulement la grammaire, la traduction, la littérature, mais aussi la société, la vie économique et la culture d’entreprise française jusqu’à ma retraite en 2012.

Après autant d’années ici, as-tu envisagé de demander la nationalité norvégienne ?

J’en ai fait la demande il y a quelques mois, je voulais attendre qu’il y ait la possibilité pour la double nationalité. Avant 2020, il fallait abandonner la nationalité française.

Je connais une Française qui avait abandonné sa nationalité française, mais qui l’a récupéré après avoir été déçue des résultats du référendum de 1992.

Peux-tu nous décrire la Norvège « d’avant », par exemple au niveau de la nourriture ?

Quand je suis arrivé en 1966, il n’y avait aucun centre commercial. Tous les magasins étaient des petits magasins familiaux, des épiceries de quartier, et des bouchers ou poissonneries « du coin ». Même si ce n’était pas toujours évident avec la langue, il y avait un contact direct avec les gens.

Il y avait un certain type de boutique qui s’appelait « melk og brød butikk », et qui ne vendait littéralement que du pain et du lait. À ce moment-là, et pendant les 10 à 15 années qui ont suivi, je buvais un litre de lait par jour ! Tout le monde le faisait, ça faisait partie de la culture. C’est un peu resté de nos jours, étant donné qu’il y a des distributeurs de lait qui se trouve tout aussi bien dans les cantines que dans les hôtels.

Photo en noir et blanc d'une rue avec une boutique « Melk og brød »
Boutique « Melk og Brød » © Bergens Tidende

Le déjeuner avec les « tartines » (brødskiver og pålegg) est également un élément de culture qui existait avant et qui n’a pas changé. C’était un peu difficile pour moi au début. En France, les gens s’arrêtent vraiment pour le midi pour faire ses courses, se faire à manger et avoir une pause. Alors qu’ici la matinée ne finissait jamais (mais les journées se finissaient tôt). Au début de mes années étudiantes, je rentrais dans ma chambre universitaire à midi et je me préparais un repas complet, comme pour le soir. Mais j’ai été vite en faillite, car c’était bien sûr trop cher. Donc j’ai arrêté et j’ai commencé à faire comme les Norvégiens, rentrer à 16h – 17h pour un vrai repas.

On m’a dit que Rema 1000 a commencé en tant que … Rema 500. Est-ce vrai ?

Les premiers magasins Rema ont ouvert en 1979 et vendaient 500 produits différents. Mais il n’y en avait pas à Oslo, ils ont commencé dans la région de Trondheim puis se sont étendus à Bergen et à Stavanger. À Oslo, notre chaine de magasins était Rimi (racheté par ICA puis Coop). Par contre, tous ces supermarchés étaient tout petits ; il y avait le strict minimum comme à l’épicerie du coin. Et tous les magasins fermaient vers 16h ou 17h. Le samedi, les magasins fermaient à 13h, et tout était fermé le dimanche. Il fallait bien bien prévoir ses courses !

Devanture d'un vieux Rema
Le premier magasin Rema de Bromstad contenait 600 articles © Rema 1000

Est-ce que tu y trouvais quand même ce que tu voulais ?

Non, il n’y avait pas grand-chose ! Ma mère m’envoyait régulièrement des paquets de nourriture avec des rôtis, des gâteaux aux pommes, etc. Quand je racontais comment c’était en Norvège, les gens disaient « Oh les pauvres ! Là où ils habitent, il n’y a rien à manger ». Ce n’est plus vrai, mais ce sont des clichés qui restent, comme le fait de dire qu’il fait toujours froid en Norvège.

Je me souviens qu’on ne trouvait que deux types de pain : un pain de campagne et un pain blanc. Autrement, les produits communs tels que brunost, makrell i tomat ou leverpostei se trouvaient déjà. Le « lunsj » est toujours le même depuis que je suis arrivé. Il m’est arrivé, étant étudiant, de venir avec un matpakke type ridderost, qui sentait un peu fort. Et donc les gens se plaignaient un peu et me demandaient de le mettre à un autre endroit. Le brunost ça ne sent rien par comparaison.

Et au niveau du quotidien ?

La grande différence comparée à maintenant était qu’il n’y avait pas de stress, tout était calme. Oslo était un grand village endormi. Tu pouvais bien sûr aller au cinéma ou au théâtre, mais c’était calme. Maintenant, c’est une métropole comme les autres : il y a les mêmes magasins internationaux, tout est ouvert tout le temps, etc. Alors qu’avant, il n’y avait que des marques et magasins norvégiens, tenus par des familles.

Le seul magasin un peu spécial à l’époque était quand tu voulais acheter du vin. C’était déjà le vinmonopolet, mais il fallait faire la queue pour acheter sur catalogue en comptoir. Les gens n’étaient pas trop pointilleux, ils commandaient les vins en demandant « deux litres du vin avec l’étiquette bleue », alors que moi je commandais en fonction du type de vin.

Un Vinmonopolet avec les comptoirs
Un Vinmonopolet avec les comptoirs Par Markedsføringsforeningen i Oslo

Pour sortir en ville pas de Starbucks ni d’Expresso House : il y avait seulement les « brun café » et les « brun restaurant », des petits cafés et des restaurants traditionnels, norvégiens et familiaux, mais pour y prendre un verre, il fallait aussi commander à manger. Tu allais souvent dans les restaurants pour simplement pouvoir boire de l’alcool.

Niveau télévision, il y avait une chaine en noir et blanc qui diffusait notamment du théâtre filmé. Le samedi soir, toute la Norvège était devant cette chaîne pour regarder les programmes de variétés et les débats animés de 20h à minuit. Je pense avoir appris le norvégien de tous les jours en regardant les films et les programmes étrangers à la télévision, car tout était sous-titré en norvégien, comme au cinéma, et le contenu était de bonne qualité.

Est-ce que les « harrytur » (les aller-retour en Suède pour faire le plein de nourriture moins chère) existaient déjà ?

Oui, on en faisait avec le travail, mais il n’y avait pas les grands centres commerciaux suédois. C’est venu une fois que les Norvégiens ont eu plus d’argent, qu’ils ont commencé à dépenser plus, et que les prix dans les magasins ont également augmenté.

Quand tu es arrivé, connaissais-tu beaucoup de Français ?

Non, on devait être 3 à l’université. Maintenant, il y en a partout. Quand tu te promènes en ville, ça parle français tous les jours.

Le pétrole en Norvège, qui a fait sa richesse, a été découvert en 1969 alors que tu étais déjà ici. Comment as-tu perçu le changement après cette découverte ?

On entendait parler de la découverte du pétrole dans les journaux, mais au début de son exploitation, il y avait beaucoup plus d’entreprises étrangères que norvégiennes. Ce ne sont d’ailleurs que des étrangers qui travaillaient sur les plateformes, et ça ne nous a pas changé le quotidien. D’ailleurs, le fonds souverain ne date que des années 90.

Par contre, je me souviens qu’au début des années 80, il y a eu un changement de gouvernement, qui est passé à droite, et c’est là qu’on a commencé à remarquer une transformation. Tout commençait à être privatisé, il a eu l’apparition des radios locales, la télévision est passée de 1 à 2 chaines, etc. Tout d’un coup, il se passait quelque chose et les mentalités des gens ont commencé à évoluer.

Est-ce que ce changement coïncide avec les débuts du boom de l’immobilier ?

Oui, ça a commencé au même moment. J’ai acheté un appartement à Oslo en 1994, ce n’était pas cher, mais l’année d’après, ça a commencé à augmenter. Les gens venaient en visite avec leur attaché-case, remplis de billets, pour pouvoir acheter les appartements en liquide, sous la table. J’ai vu plusieurs fois des gens ouvrir leur attaché en visite pour montrer l’argent !

Pour se faire une idée, nous avions acheté un appartement de 60 m² pour 1 000 000 de couronnes, mais 2 à 3 ans après sa valeur avait doublé voire triplée. Au final l’augmentation ne s'est jamais vraiment arrêtée (à Oslo), même maintenant en période de pandémie.

Quel est l’évènement qui t’a le plus marqué ?

Le 22 juillet 2011 bien sûr. J’étais devant ma télévision en train de regarder le tour de France quand j’ai entendu l’explosion. Ça a été l’évènement le plus affreux.

Y a-t-il des changements que tu préfères maintenant ?

Comparé à avant, tu peux faire et acheter ce que tu veux. Par exemple, si tu voulais acheter de la bière un samedi, et parce que les magasins fermaient à 13h, il fallait aller dans LE magasin ouvert jusqu’à minuit. Il se situait dans le métro de Grønland, au sous-sol. Il y avait une queue d’étudiants tous les samedis soir ! La seule condition pour acheter est qu’il fallait également acheter de la nourriture pour le même montant que l’alcool. Donc tu ressortais avec une bière et plusieurs pains. Une grande différence entre la Norvège et la France est qu’il y a moins de contrôles ici. Le système te fait confiance jusqu’à ce que tu fasses une erreur et que tu te fasses prendre.

Pour finir, quel est ton endroit préféré en Norvège ?

Sans hésiter, la ville de Bergen. J’y ai habité dans les années 70 et ça ressemblait à une ville avec un centre, un port et des bâtiments imposants autour. C’était tout petit, mais ça donnait l’impression d’avoir plus de vie qu’à Oslo. Aujourd’hui, c’est différent, ça a une autre ambiance, mais ça reste une ville plus vivante qu’Oslo. Je trouve que les gens y sont plus décontractés.

Bergen en hiver
Bergen en hiver © Michael Fousert

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