Le guide pour s’installer et vivre en Norvège

Témoignages : « La Norvège, c'est fini pour nous » — Partie 2

Par Thomas Bassetto
Dernière mise à jour le 15 mai 2021
Adulte avec 4 valises

Voici le deuxième article sur les raisons qui ont poussé certains Français à partir de Norvège.

Comme expliqué dans le premier article, je suis arrivé en Norvège complètement par hasard, mais je m’y suis plu et ai même demandé la nationalité norvégienne en début d’année. Cependant, pour un bon nombre de mes amis Français, 2020 aura été l’année de leur départ. Y compris parmi ceux qui étaient là depuis plus de 10 ans ! J’ai donc été curieux de connaître leurs motivations.

Cette deuxième partie s'attarde sur les différences culturelles, les liens d'amitié, les hivers et pour finir sur le point de vue de ceux qui sont déjà rentrés en France depuis plusieurs mois ou même plusieurs années.

Les différences culturelles

Il n'y a pas encore d’articles traitant des différences culturelles entre la Norvège et la France sur ce site, mais ça ne saurait tarder 😉. En attendant, c’est la raison qui est revenue le plus souvent dans les témoignages que j’ai reçu.

Après plus de 10 ans à Stavanger puis Oslo, Alexandre m'a dit avoir profité du beau pays qu'est la Norvège autant que possible, mais que « Souvent la famille, les amis, mais surtout la simplicité, l'aisance de vivre dans un pays qui est le nôtre, que nous comprenons et qui nous comprend, m'a manqué. Car oui, vivre à l'étranger, cela demande des efforts d'adaptation. Et dix ans après mon arrivée, j'avais toujours le sentiment de devoir faire ces efforts chaque jour pour me fondre dans la masse, être accepté et adopter le style de vie "à la Scandinave", un style qui au final était très éloigné du mien. ».

Olivier estime qu’il faut aimer la nature pour s’intégrer : « Ça [ndlr: être rentré en France] vient sans doute aussi du fait que je n'aime pas tellement les balades en nature, et qu'en dehors de ça, il n'y a pas énormément de choses à faire autour d'Oslo. Je pense que pour les gens qui adorent la nature, la Norvège est un pays merveilleux. Mais pour une personne qui est peut-être un peu plus citadine, ce n’est sans doute pas une destination de rêve. ».

Nathalie avait tout essayé, ou presque, pour s'intégrer : « J’ai de suite pris des cours de norvégien, trouvé un travail en temps qu'enseignante de français, me suis mise au ski de fond, au tricot, et appris à aimer la cannelle. Huit hivers pour essayer de comprendre la culture, s’intégrer, apprendre à aimer plein de nouvelles choses assez éloignées de ma personnalité et de mes goûts habituels. Le temps passe, il est difficile de trouver des arguments « contre » la Norvège, tout est parfait sur le papier. Un niveau de vie élevé, un pays sûr, une économie plus que stable, une nature époustouflante, des gens bienveillants… et pourtant je ne me sens pas à ma place. Puis une rupture amoureuse, deux nouveaux jobs, 3 appartements plus tard, arrive la pandémie. Et la réalisation que cette vie « parfaite » n’est peut-être pas celle qui est parfaite pour moi. La Norvège est mon 3e pays d’expatriation, celui où je suis resté le plus longtemps, et pourtant celui qui est le plus éloigné de ma personnalité. ».

Antoine, 7 ans en Norvège est marié à une Norvégienne. Il a fini par en partir plus ou moins dégoûté : « Jai vécu dans énormément de pays et la Norvège est le seul pays ou j’ai détesté vivre». Parmi les nombreux sujets que l’on a abordé, il y a celui de l’éducation et des différences culturelles : « Je trouve le système éducatif ici calamiteux. Il n’y a que le Guatemala qui est comparable. Une des conséquences est l’extrême pauvreté du contenu dans les médias. Je retiens aussi le refus culturel du débat sur absolument tout. Ils veulent éviter le conflit donc il n’y a pas de débat d’idées et les questions de premier ordre ne sont jamais discutées. Dans ce pays, il y a des choses, des fondements, qui ne peuvent jamais être remis en question. C’est comme s’ils détenaient la vérité divine, c’est très triste. Quelque chose qu’il est impossible à comprendre sans avoir vécu en Norvège, c’est leur attitude de supériorité morale. Ça, ça m’a bouffé. ».

La difficulté de se faire des amis Norvégiens

Thibaud, arrivé en 2006 pour travailler dans un bar d’hôtel a été refroidi par la différence de comportement : « J'ai constaté dès mes premières semaines un énorme "culture gap" (ndlr: fossé culturel). Avec des gens qui ont un comportement, une attitude, un savoir-être totalement différents qu'en France. Le blocage des Norvégiens par rapport à la langue. J'ai eu beaucoup de "potes" norvégiens mais jamais “amis”, des gens avec lesquels je m'entendais très bien. Mais une fois en soirée ou en groupe, la barrière de la langue apparaissait et cette personne était plus complice avec des personnes parlant norvégien. Leur anglais disparaissait petit à petit. ». Pour conclure, « Et tout ça a abouti à un ras-le-bol général et overdose et culture gap... 🙂 ». (ndlr: voir l'histoire de Thibaud et ses déboires professionnelles dans la première partie de cette série).

Quand j’ai discuté avec Max, il en avait gros sur la patate comme on dit : « L’imperméabilité du réseau social norvégien me fait partir. Cela fait 5 ans que je suis ici et mes voisins ne me parlent toujours pas… Le garage mécanique local refuse encore de me servir. Bref, nous n’avons malheureusement aucun ami Norvégien ! Le racisme des locaux est très lourd à porter. Après je veux préciser que je vis dans la campagne profonde et je suis persuadé que le Norvégien des villes est bien plus ouvert. Et pour terminer : la nourriture. Le manque d’intérêt des locaux pour la nourriture hormis les patates et les pølser (ndlr: saucisses). Je pourrais continuer des heures à dire ô combien il est difficile de vivre ici. ».

Julie a abordé le côté « riche » de la Norvège, qui ne fait pas tout : « Oui c’est sûr tout est beau, neuf, riche en Norvège, mais je n’y étais pas heureuse pour autant. Personnellement je vois la richesse dans les rapports humains plus que dans la Tesla ! Les gens sont, disons-le, assez froids. Je n’ai pas un seul ami norvégien, mais par contre énormément d’amis très précieux internationaux. ».

Bastien est venu par amour pour une Norvégienne, et a décidé de rester malgré leur divorce, avant de finalement partir : « J'ai eu de bonnes relations sur mon lieu de travail, mais les Norvégiens n'ont pas par habitude d'entretenir des relations très poussées en dehors du travail lorsqu'ils ont déjà leur cercle d'amis et leur famille. C'est encore plus marqué quand l’on n’a pas de famille soi-même. J'en ai conclu que la Norvège, du moins Tromsø, n'est pas vraiment adaptée aux personnes célibataires. Décoder les émotions des Norvégiens a toujours été difficile et je me suis souvent remis en cause. Je me fais facilement des amis lorsque je suis ailleurs qu'en Norvège, mais les Norvégiens ont toujours été un casse-tête pour moi. Cela a contribué à un isolement social douloureux. Au niveau des relations amoureuses, je n’ai jamais pu de nouveau avoir une relation sérieuse avec quelqu’un d’autre (après mon divorce). On sent qu’il n’y a pas beaucoup d’habitants à Tromsø, on a vite fait le tour de Tinder ! ».

Pour Anne-Lise, « les premières années étaient certes très excitantes, et j'ai passé chaque vacances dans différents coins du pays. Après, une certaine solitude et lassitude se sont installées. ». Elle a aussi eu « un ras le bol de la bouffe en Norvège, de toujours acheter les mêmes tomates qui viennent d'Espagne, d'acheter mon poulet sous vide, toujours les mêmes saucisses, mêmes briques de lait et de jus de fruits, etc. Heureusement le pays s'est développé ces dernières années en matière de variété alimentaire, mais pour moi ce n'était pas suffisant. Sinon et je m'en rends compte d'autant plus maintenant que je vis en France, il y a en Norvège un manque d'activités ou d'associations sportives et culturelles. ». Mais ce n’est pas tout, elle a aussi évoqué « la hausse du prix de l'immobilier qui rend quasi impossible tout achat dès lors qu'on est célibataire et étranger, et du coût de la vie. L'éducation aussi, moi qui suis enseignante je trouve le niveau scolaire norvégien au ras des pâquerettes, la pauvreté journalistique du pays… Ce sont tous ces petits détails accumulés qui m'ont fait réfléchir à un autre avenir. ».

Les hivers difficiles

Personnellement, le côté froid de la Norvège me plaît, et les longues nuits d’hiver sont compensées par les longues journées d’été, mais je comprends que ce ne soit pas la tasse de thé de tout le monde. Surtout que j'habite à Oslo où les hivers sont plus courts que par exemple au nord du cercle polaire.

Bastien, qui a vécu au nord de la Norvège, a fini par s’en lasser : « J'ai longtemps adoré le froid et la neige, mais je m'en suis lassé à force. Les 7-8 mois de neige et les opérations de déblayage sont usants à force. Le besoin de chaleur et de soleil s'est fait de plus en plus ressentir ». De plus il a été directement confronté au manque de vitamine D : « J'ai une maladie chronique qui s'est déclarée 6 mois après mon arrivée en Norvège qui a souvent été active pendant la période de la Nuit polaire, donc le manque de soleil et de vitamine D ont été des facteurs importants (pour partir). J’ai pensé que revenir habiter dans le « sud » me ferait du bien. ».

Même son de cloche pour Julie, l’émerveillement a laissé place à la lassitude : « J’avais beaucoup d’appréhension pour les hivers longs et le manque de lumière. Après tant d’années en Scandinavie je confirme que c'est devenu un calvaire surtout les dernières années. Au début c’est folklorique on découvre, mais après un moment la vie est quand même dur de ce côté-là ! ».

Pour Thibaud par contre, les hivers ont été difficiles dès le début : « L'hiver a été rude, long et sombre, peu de soleil... Et chaque hiver a été plus dur que le précédent pour moi. ».

La Norvège manquera

Comme déjà dit dans le premier article, en général on ne quitte pas un pays dans lequel on se plaît ! Sans rancune, plusieurs personnes ont tenu à parler des côtés positifs de la Norvège et de ce qu’il va leur manquer ou leur manque déjà.

Nathalie a plein de bonnes choses à dire sur Oslo et la Norvège en général : « Je souhaite garder un souvenir positif d’Oslo : de comment je l’ai vue grandir en 8 ans. Ses couchers de soleil roses, son nombre grandissant de musées, son fjord, en passant par le calme de ses habitants, sa facilité administrative, mais surtout de mes rencontres et amitiés pour la vie 😊 ».

Max aussi a fini par dire que la Norvège n'est pas facile à quitter : « En même temps c’est avec une boule au ventre que nous nous résignons à partir, car cela reste malgré tout un des plus beaux pays du monde. Un véritable système social qui fonctionne. Du plein emploi pour tous. De la tranquillité à revendre ».

Julie a mentionné les généreux congés parentaux du pays : « Nous avons eu la chance de profiter de nos congés maternité et paternité et de profiter de nos 3 enfants. ».

Les joies du retour au bercail

Tous ceux qui ont témoigné ne sont pas forcément rentrés en France, mais ceux qui l'ont fait ont aussi partagé leur expérience.

Nathalie : « Là où je me sens le mieux, à cet instant, est la France. Le choix d’où nous souhaitons faire notre vie est tellement personnel, et certaines raisons feront sens à certains, mais moins à d’autres. La question n'est pas ce qui m'a fait quitter la Norvège, mais plutôt ce que je préfère (re)trouver actuellement, dans un pays qui me correspond plus. Il s’avère que c’est la France pour le moment, mais qui sait, ce n’est peut-être pas ma destination « finale » ( « finale » étant un drôle de concept, non?) ».

Julie, rentrée fin juillet : « Pour nous rentrer en France nous paraît logique et pas triste comme la plupart des gens qui rentrent parce qu’ils n’ont pas le choix (et là ça doit être terrible alors !). Nous sommes très heureux d’avoir pu gérer une reconversion professionnelle tous les deux en même temps et trouver deux jobs en France durant la période confinement. C’est comme si nous faisions une nouvelle expatriation vers une terre inconnue, on doit tout (re)découvrir, plus de "helsestasjon" (ndlr: centre local de suivi de la petite enfance en Norvège) pour les enfants ou autre crèche où les enfants dorment dehors dans leur poussette. C’est un tout autre monde de l’enfance que nous allons découvrir. Je suis ravie de retrouver ma baguette au coin de la rue. Par contre oui c’est plus compliqué au niveau administratif et il y d'autres problèmes en France, mais bon un pays de 68 millions et de 5 millions ce n'est pas comparable. ».

Anne-Lise : « Refaire sa vie en France n'est pas si désagréable (moi qui pendant longtemps ai renié mon pays). Retrouver les marchés, produits frais à moindre coût, la gentillesse des gens et tout simplement parler sa langue et se comprendre sans avoir mal à la tête ou être épuisée à la fin de la journée, en somme retrouver sa culture et que de belles choses à voir en France ! ».

Mehdi, de retour à Paris, est allé droit au but : « J’aime le soleil et la bonne bouffe comme la majorité des gens ! 😊 ».

Nicolas est le seul parmi ceux qui m’ont répondu à être en France depuis déjà plus de 2 ans. Il aura passé 24 ans en Norvège, bien intégré dans la société norvégienne (il s’était acheté un bunad pour homme, il fartait lui-même ses skis avant chaque sortie) mais il a pourtant décidé de rentrer en France avec sa femme Suédoise et leurs deux filles : « L'idée est venue un peu toute seule. Il n’y a eu aucun soudain élément déclencheur, mais par exemple nous voulions consommer moins, et plus sain. Nous ne trouvions pas comment faire ça en Norvège sans se ruiner. Ma femme était enthousiaste à l’idée d’habiter en France, donc nous avons franchi le pas. Tous mes potes ont été surpris ! Avec la vente de notre maison près d’Oslo, que nous n’avions pas fini de rembourser, nous avons pu nous acheter une maison vers Bordeaux, sans prêt… Ma femme est kiné et a un meilleur pouvoir d’achat en France qu’en Norvège ! C’est vrai pour beaucoup de professions libérales, alors que pour d’autres métiers comme coiffeurs/coiffeuses le pouvoir d’achat est meilleur en Norvège. On a aimé la Norvège, mais nous aimons aussi l’idée d’avoir eu plusieurs vies dans une vie et maintenant nous nous plaisons en France. ».

Et pour finir, Fadi, que nous avons déjà croisé dans la première partie. Naturalisée Française, en couple avec un Norvégien depuis 14 ans, elle a essayé de s’installer 2 fois en Norvège sans succès. Elle na pas vraiment de soucis avec la Norvège mais pour elle la France restera toujours le pays où elle préfère vivre : « Je n’ai pourtant aucune attache familiale en France et aussi étrange qu’il puisse paraître, j’aime ce pays qui me manque à chaque fois que j’essaie de le quitter. A mes yeux il reste le plus beau et le plus agréable à vivre malgré le climat social et bien d’autres sujets à polémique que je préfère éviter. J’ai posé mes valises en France, pays que j’adore depuis mon enfance pour sa culture, son climat, sa nature, sa gastronomie et même ses râleurs. En tant que Française d’origine étrangère, ce pays m’a accueilli, m’a ouvert ses bras et m’a permis de m’intégrer dans son système. ».

Conclusion

Pour reprendre un point commun de tous ces témoignages : chaque pays a ses points forts et ses points faibles, qui varient en fonction des gens. Pour écrire cette série d'article, j'avais explicitement demandé des témoignages aux Français partant de Norvège. Il en reste encore plus de 5000 dans le pays, dont la majorité s'y plait toujours !

Ce qui compte dans la vie, c’est de trouver un bon équilibre qui nous correspond entre le rythme familial, le travail et l’argent. Certains trouvent cet équilibre en Norvège, d’autres non.

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