EXCLU: La fermeture de l’Institut français de Norvège prévue pour Juin 2020.

Par Lorelou Desjardins. Publié le 20 novembre. Mis à jour le 24 novembre 2019.

C’est officiel, le Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères français a décidé de fermer l’Institut français de Norvège. C’est ce que qui a été proposé lors du projet de Loi des Finances de 2020, tel qu’exprimé clairement dans cet avis de l’Assemblée nationale

Pourquoi cette fermeture?

Quelle raison peut bien pousser le gouvernement français à vouloir arrêter une coopération linguistique, culturelle et scientifique avec la Norvège qui dure depuis près de 60 ans? L’Institut français de Norvège existe en effet depuis 1963, alors appelé le Centre culturel francais pour changer de nom en 2011. Installé à Holtegata à Oslo, il a aussi une branche régionale à Stavanger. Il offre des cours de français à environ 1000 inscrits par année, et une programmation culturelle très riche et unique aux Français de Norvège et aux Norvégiens francophones et francophiles.

Selon l’avis de l’Assemblée nationale datée d’octobre 2019, la fermeture est “motivé(e) par l’incapacité des établissements à générer des ressources propres, ou par le montant insuffisant des recettes au regard de dépenses de fonctionnement jugées trop importantes”. 

“S’il est vrai que l’Institut français de Norvège a connu des difficultés financières il y a quelques années, il est maintenant bénéficiaire grâce notamment à un assainissement de ses finances survenu dans les dernières années” nous explique Mr Stéphane Mukkaden, Conseiller consulaire des Français de Norvège et d’Islande depuis 2014. Il ajoute “Cette décision est d’autant plus incompréhensible qu’elle est en complète contradiction avec l’ambitieuse stratégie pour la francophonie présentée récemment par le président Macron et destinée à redonner à la langue française sa place et son rôle dans le monde”.

La décision de fermer l’Institut français de Norvège semble en fait avoir été prise sur la base d’une demande du gouvernement pour chaque Ministère de “rendre des postes”, c’est-à-dire de réduire la masse salariale et faire des économies, comme exprimé dans le projet de Loi des Finances de 2020 relayé ici. Dans le cas de l’Institut français de Norvège, sur un total de 41 employés seuls 7 le sont en contrat d’expatrié, reliés directement au Ministère. Tous les autres employés ne peuvent donc pas être assurés une sauvegarde de leur poste. Aucun de ces postes sauvegardés ne concerne le pôle linguistique de l’Institut. 

La fermeture de l’Institut, malgré la sauvegarde de quelques postes, et l’abandon du pôle linguistique, sont en contradiction avec les ambitions du gouvernement pour la francophonie, telles qu’énoncées dans le discours du Président Macron en mars 2018 à l’Institut de France où il est mention de “renforcer la place de la langue française dans les pays où elle est apprise comme langue étrangère”. Son propre Projet de loi des Finances de 2019 y mentionnait aussi la synergie culture-langue comme une priorité; avec douze actions y compris “donner un nouvel élan à la diplomatie culturelle, grâce au maintien de ses moyens, à un renforcement du rôle de l’Institut français et à la poursuite de l’expansion du réseau des alliances françaises (10 ouvertures par an) “.

Impacts pour la coopération franco-norvégienne

Nous sommes en mesure de nous demander comment cette fermeture affectera les relations bilatérales franco-norvégiennes. En effet selon le site du Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, les relations bilatérales entre la France et la Norvège sont très fortes à de nombreux plans: au plan politique, avec des visites et relations entre chefs d’Etat et ministres, au niveau économique et au niveau culturel. 

Nous avons joint la Sénatrice Hélène Conway-Mouret par téléphone après la publication de son compte rendu de visite à Oslo où elle fait part de sa surprise en apprenant la nouvelle et de ses actions pour tenter de retourner la décision du gouvernement. “La fermeture de l’Institut français de Norvège, décidée cette année, est incompréhensible. Elle est contraire aux besoins et attentes locales et risque de tendre durablement les relations avec les autorités, car elle survient moins d’un an après la signature d’un nouvel accord cadre entre la Norvège et la France” nous confirme la Sénatrice Conway-Mouret. 

En effet le 24 septembre 2018, un nouvel accord cadre entre la Norvège et la France relatif à la coopération dans les domaines de l’éducation, de l’enseignement supérieur, de la recherche scientifique, de l’innovation, de l’industrie et de la culture était signé. Le site de l’Ambassade royale de Norvège en France cite que cet accord “s’inscrit en droite ligne de la politique du Gouvernement norvégien qui souhaite intensifier la mobilité dans l’enseignement supérieur et la recherche scientifique, et qui souhaite que la Norvège soit ainsi mieux placée dans les programmes de l’UE”. 

Mme la Sénatrice a donc envoyé un courrier à Mr Jean-Yves Le Drian, Ministre de l’Europe et des affaires étrangères, le 10 septembre 2019, pour lui faire part de ses inquiétudes, et a aussi envoyé une question au Sénat, qui est maintenant obligé de lui répondre par écrit sur la question de la fermeture de l’Institut. 

Cette fermeture serait aussi un coup dur de plus pour la communauté francophone et francophile de Stavanger avec la fermeture de l’école française à la fin de l’année scolaire 2018-2019 dû au retrait de Total. Avec la perte de l’Institut français c’est l’antenne culturelle et linguistique qui disparaît après l’antenne éducative. 

Selon l’avis de l’Assemblée nationale, cette décision ne sera actée que le 31 décembre 2019. Il semble donc encore y avoir un espoir de faire revenir le gouvernement sur sa décision. Rappelons qu’en 2013, une mobilisation massive de la population locale et française avait permis un retournement de situation sur la fermeture de l’Institut français de Berlin.

Une pétition adressée au Premier Ministre Edouard Philippe a été créée et peut être signée ici. Pour ceux qui veulent suivre les débats les plus récents à la Commission des affaires étrangères (13 novembre), voir la vidéo ici.

Nouveau développement à l’institut

Mise à jour: Le lendemain de la publication de cet article, le 22 novembre, le site de l’Institut annonçait qu’une nouvelle structure de droit local privée, c’est-à-dire une école de langue, reprendra l’activité de production de cours de français dès mars 2020. Cette structure sera gérée par deux anciens employés de l’Institut ainsi que deux personnes du groupe Les Mousquetaires. Cette entreprise devrait voir le jour même si l’Institut français est sauvé et ne ferme pas ses portes. Elle ne pourra par contre pas employer l’ensemble des 35 employés, dont des professeurs, qui perdront leur poste en contrat local. En espérant que cette structure réussisse à assurer tous les cours de l’Institut, elle n’a a priori pas vocation à remplacer toutes les activités de l’Institut, à savoir la coopération scientifique et l’offre culturelle qui restent l’apanage des Instituts français. Dans le cas de la Norvège, “les réductions d’effectifs réduiront de facto la capacité à produire une offre aussi conséquente que par le passé” explique Mr Mukkaden.

Nous souhaitons bonne chance à cette initiative, pour la promotion du français en Norvège!

6 réflexions au sujet de “EXCLU: La fermeture de l’Institut français de Norvège prévue pour Juin 2020.”

  1. Espérons qu’il y ait un retournement de la situation car ce serait terriblement triste que l’Alliance française d’Oslo vienne à disparaître.

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  2. Tout simplement choquant surtout venant du gvt de Monsieur Macron . Comment developper la culture francaise a l etranger si on ferme ses centres culturels et nous les francais de Norvege, ne serions-nous que des citoyens de seconde zone? Il faut se battre pour garder ce petit coin de France en Norvege.

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  3. Quelle tristesse et déception d’apprendre cette nouvelle par les réseaux sociaux ce matin! Il est bien sûr compréhensible que des efforts budgétaires soient réalisés…Mais comme ils sont dérisoires au regard du symbole qui est piétiné! S’en prendre aux institutions culturelles, c’est affaiblir la Culture, les Arts, les artistes , tous ceux qui portent la culture … et nous alors , les français de l’Etranger… qui nous portera alors?
    ( je paraphrase ici un extrait de “car la nuit s’approche” d’Anna Enquist)… car il s’agit bien de cela… nous annoncer la fermeture de l’Institut Français de Norvege, c’est littéralement éteindre les Lumières dans ce pays… distendre encore plus le seul lien tangible avec notre pays … et annoncer au Monde que la France se detourne de sa vocation culturelle… est-ce -vraiment la decision que notre Assemblee Nationale veut enteriner?

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  4. Pour être parfaitement complet sur cette information, il me semble aussi important de souligner le consensus politique sur ce dossier, car l’article ne cite que une sénatrice et un conseiller consulaire d’un seul bord politique.

    Cependant, cette fermeture est jugée « complètement incompréhensible et inexplicable » par Anne Genetet, Députée LREM des FdE, et « hors de propos » par Didier Quentin, député LR, lors de la présentation de leur rapport de mission sur le processus de gestion de postes diplomatiques devant la Commission des Affaires Etrangères de l’Assemblée Nationale, le 13 novembre 2019 (http://videos.assemblee-nationale.fr/video.8416534_5dcbbce9c40b1.commission-des-affaires-etrangeres–processus-de-gestion-de-postes-diplomatiques-13-novembre-2019)

    Les deux députés vont envoyer leur rapport à Jean-Yves Le Drian, Ministre des Affaires Etrangères. Anne Genetet, députée LREM évoque « une décision prise en administration centrale », pour « un institut excédentaire au coeur des relations franco-norvégiennes ». Les deux députés déplorent le manque de critères et d’indicateurs participant aux prises de décision de l’administration centrale du Quai d’Orsay sur la rationalisation de la gestion des postes diplomatiques.

    Anne Genetet et Didier Quentin ont expliqué devant la Commission des Affaires Etrangères de l’Assemblée Nationale comment l’ambassade de France avait alerté sur l’importance de l’Institut Français en Norvège, mais «n’a absolument pas été écoutée » par l’administration centrale. Le député pour les Français d’Europe du Nord, dont la Norvège, Alexandre Holroyd est également mobilisé sur le sujet et travaille avec les acteurs concernées

    Donc on est là sur une décision avant tout administrative, davantage que politique, si on prend le temps de suivre ces débats très complets et avec un consensus transpartisan à ce sujet à l’Assemblée Nationale

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  5. Je me permets d’apporter une précision au commentaire précédent: rappelons quand même que notre député, Mr Holroyd ( qui serait “mobilisé sur le sujet”), est au courant de cette décision depuis le mois de mai 2019, mais n’a, semble-t-il, pas jugé utile d’intervenir avant le mois de novembre et l’intervention de la sénatrice Conway Mouret auprès du Quay d’Orsay en Septembre dernier. Expliquer par ailleurs que la majorité au pouvoir n’a aucun poids sur les décisions prises par l’administration est un peu curieux. En espérant que la mobilisation de l’ensemble des forces politiques aient pour effet de revenir sur cette décision inique.

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